dimanche 27 octobre 2013

La bûche est prête...

Et le bois à fendre est sec!

















Cet hiver-là, il nous faut au moins douze cordes de bouleau fendues pour venir à bout du grand froid. S'il m'arrive de fendre plus d'une corde par jour, c'est que j'ai oublié qu'il fallait que je m'arrête. Pris par le jeu de la hache, je fends toutes mes bûches en deux, d'un seul coup. Le bouleau est facile à fendre, si je le compare à l'érable ou au chêne. Parfois, je me plais à fendre la bûche en quartier. Je termine toujours la corvée en faisant un tas de copeaux, pour faciliter l'allumage du foyer. Ça me fait penser à ce mécanicien d'avion qui travaille avec moi. Il habite depuis peu l'Abitibi et il s'avère qu'il est originaire de la France, pour être plus précis, de la région de Marseille. Il n'y a pas longtemps, il m'a invité à le rejoindre dans le rang St-Michel, non loin du village de McWatters.

Il m'a montré une parcelle de terre et m'a confié qu'il venait tout juste de l'acquérir pour la modeste somme cinq mille dollars, à peu près 3600 Euros. Cent vingt mètres de façade par 180 de profondeur. Oui, c'était dans les prix...

Le Français s'était acheté une scie à chaîne et avait coupé presque tous les arbres du terrain. Il les avait débarrassés de leurs branches puis les avait coupés en bout de quarante centimètres, la longueur idéale pour le poêle. Ensuite, il avait cordé tout ce bouleau mêlé de faux peupliers au centre de son terrain. Immédiatement, j'ai qu'il ne savait pas comment s'y prendre. Je me suis penché et j'ai ramassé plusieurs bûches. Ma brassée de bois sur le bras gauche, mon bras le plus fort, j'ai marché jusqu'à une extrémité du terrain et j'ai déposé le tout entre deux arbres toujours debout, un peu plus d'un mètre les séparaient l'un et l'autre. Trois autres brassées de bois plus tard, il avait saisie l'idée générale. Les arbres retiendraient les bûches; ainsi placées, ces dernières pourraient sécher au vent en toute sécurité, sans le risque de s'effondrer...
L'idée m'est venue de lui demander comment il s'y était pris pour couper ses arbres. Ravi, il a sorti la scie à chaîne de son coffret, s'est avancé vers l'arbre qui était le plus près et, après l'avoir démarrée, a déposé la chaîne de la scie sur le dos de l'arbre, à environ 20 centimètres du sol. La coupe fut ardue vers les derniers centimètres, il éprouva de la difficulté à retirer la lame du tronc de l'arbre.
"Tu veux couper afin qu'il tombe directement sur ton terrain et non pas ailleurs, c'est ça?
Lionnel acquiesça.
"Alors, pratique une entaille ici puis ici. On s'entend que l'arbre doit tomber du côté de ton terrain, n'est-ce pas?
De nouveau, Lionel acquiesce.
"Vas, mon homme et montre à bibi ce que tu sais faire! Lionel s'est penché face à l'arbre et pratiquer une première entaille là où je lui ai indiqué. 
"Maintenant, fais le tour de l'arbre et place-toi derrière. Primo, il faut que ta coupe soit plus haute que la première et secundo, ta dernière coupe doit se faire ici, tu vois, comme une "encavure"...
"Quoi? S’étonne Lionel. Mais parle donc français, qu'on se comprenne, putain!
"Les gros mots, les gros mots! Places ta lame ici, tout de suite en bas de ta dernière entaille. Ce faisant, places-toi sur le côté de l'arbre. Restes pas derrière, tu pourrais le recevoir dans les parties, si tu vois ce que je veux dire...  
En effet, il comprenait le sous-entendu. Il se plaça sur le côté de l'arbre et porta le coup fatidique.

"Pas touche! Tu vas voir, il va tomber tout seul." Et c'est en fait ce qui se produisit. L'arbre tomba là où il devait s'abattre. Nous n'avons pas eu le temps de nous féliciter de cette heureuse fin qu'une dame se pointe en vélo et se stationne devant nous. Nous, nous sommes surpris, mais de manière fort agréable.

Il s'agit d'une femme dans la jeune quarantaine, sculptée au couteau ma foi. Un corps splendide, très bien conservé; un teint basané, des cheveux blonds courts pour mieux révéler un cou gracile, d'une courbe exquise. Le maillot qu'elle porte montre bien qu'il n'y a pas une once de graisse à perdre sur ce corps. Lionel se tient là, debout face à la gazelle, les bras ballants, la bouche ouverte. Elle remarque son regard et décide de "dé enfourché" la bicyclette (Je me comprends). Prestement, elle passe une jambe longue et fine au-dessus du siège et se retrouve à moins de deux pas de notre ami, un peu plus haute que lui, en ce sens que la pointe des seins de la dame est à la hauteur de ses yeux qui eux, n'en finissent plus d'être grands.

"Bon. Eh bien. Je pense que je vais faire un bout, j'ai du bois moi aussi à corder", dis-je en m'éloignant tranquillement du couple. Lionel n'a même pas détourné le regard. 

"C'est ça, Yves. On se revoit!"

Il a dit ces mots sans même dévier de sa posture. Il s'imagine déjà entre ses seins, le pauvre. Oh, pas à plaindre mais pas du tout à plaindre, le bonhomme. Je quitte les lieux. Eux, ils se regardent encore, dans le silence le plus complet.  Je crois que de son côté, le bois va attendre...