Après l'usine de papier photocopieur, j'ai perdu un peu de temps à ne pas trouver du travail, faute de qualifications, faute de persévérance, peut-être les deux. J'ai cherché un emploi décent et à la mesure de mes capacités le temps d'écouler toutes mes prestations d'assurance-chômage - on dit assurance-emploi ces années-ci -soit, presque une année entière, mais en vain. J'ai dû quitter mon logement de la rue Curé-Poirier pour m'accommoder d'une simple chambre Chez Lise, à Chambly.
C'est ici que je fais connaissance avec l'assistance sociale et l'aide financière de dernier recours, un programme parrainé par le gouvernement du Québec pour aider les moins biens nantis à vivre un peu mieux que s'ils devaient cheminer dans l'itinérance. Je rejoins les rangs des assistés sociaux, le temps d'un hiver. Je passerai la saison morte à faire le rat de bibliothèque à la bibliothèque du quartier.
C'est ici également que je connaîtrai enfin les grands poètes québécois tels Alfred DesRochers, Émile Nelligan, Gaston Miron, Gilles Vigneault, Hector de Saint-Denys Garneau, Félix Leclerc et Anne Hébert, pour ne citer que mes préférés.
Je vivrai de lecture et de spaguettis au jus de tomates réfrigéré à la fenêtre l'espace de quelques mois d'hiver. La nuit deviendra ma compagne, au silence se mêlera mon souffle; penché sur une feuille blanche avec cette envie de la noircir au plus vite, je resterai de longues heures sans pouvoir écrire quoi que ce soit.
Je préfère les nuits sans lune à celles éclairées de l'astre, je vis en retrait du monde et je me plais ainsi, conscient du fait que je reprendrai la course à l'emploi dès les premiers jours de la saison printanière. Ces longues heures à lire la poésie de ces personnages ont fait en sorte que je me suis pris à aimer leurs univers respectifs et à envier ces beaux éclats de mots qu'ils jetaient sur le papier à la mêlée. Plongé dans ces mondes, je me souciais peu de ma pauvreté. Les autres chambreurs vaquaient à leurs occupations et me laissait, plus souvent que jamais, tranquille. Au début du mois, ceux-ci étaient bruyants et pleins de vie; ils se visitaient une bière à la main, une cigarette dans l'autre et passaient des soirées longues à discuter de tout et de rien, pour le plaisir de converser. Quinze jours plus tard, la maison de chambres était redevenue silencieuse. Plus personne n'avait d'argent, tous étaient dorénavant dans l'attente du prochain chèque qui arriverait pile au 1er du mois. Je ne buvais pas, aussi mon argent me servait-il à faire une petite épicerie qui me durerait au moins une vingtaine de jours. Après, après seulement venait la canne de jus de tomates et les spaghettis al dente!
Je crois que c'est ici à Longueuil qu'est née l'idée d'un retour éventuel en milieu académique, pour approfondir un peu plus sur le sujet des lettres. Mais ces mois d'hiver, longs et rigoureux m'ont vite rappelé à l'ordre. J'ai mis ce projet de côté et il s'est vite retrouvé aux calendes grecques, le temps d'une bonne neige. Nous sommes à la fin des années soixante-dix, l'Internet ne sera ici qu'en 1995. On fonctionne avec le téléphone fixe et la boîte aux lettres pour tout faire et comme j'ai opté dès la sortie des forces armées canadiennes pour une vie modeste, je suis devenu un adepte de la simplicité volontaire et cela m'arrange énormément de ne pas avoir de téléphone dans ma chambre. Je suis à pied et d'avoir à prendre l'autobus pour me rendre où que ce soit en ville demande des sous. Pas de sous, pas d'autobus. Simple comme bonjour. Il vaut mieux résider près d'un dépanneur ou encore mieux, près d'une épicerie. Le peu de sous qu'il me reste, je garde pour des jours meilleurs. En quête de travail, il faut des sous pour se rendre aux entrevues. Il faut avoir une bonne présentation et une dose d'assurance pour gagner le job offert.
Donc, mes journées étaient occupées par une heure de marche quotidienne pour faire l'aller et revenir de la bibliothèque en après-midi. L'avant-midi et le soir, je dormais. La nuit venue, j'allumais la lumière pour lire ce que j'avais rapporté chez-moi le jour même, soit un livre, un magazine d'actualités ou un recueil de poésie.
De temps à autre, je profite de ces heures tardives pour écrire une lettre à un membre de ma famille, maman ou Claude mon jeune frère; de mes trois frères, il est celui avec qui je m'entends le mieux.
Écrire une lettre et la mettre à la poste en 2016 commence à sonner faux. On ne se souviendra plus de ce mode de communication dans vingt ans... Dommage. À l'époque, c'était la façon de maintenir les liens avec sa famille et les amis, on se tournait naturellement vers le papier, l'enveloppe et le timbre. Je crains la disparition de la Poste. Depuis peu, on a cesser la livraison du courrier à domicile. Nos boîtes de courrier ne servent plus à rien maintenant, nous devons tous marcher pour avoir le courrier que nous avions auparavant à bout de bras..
Ils ont installé ce qu'ils appellent des «Boîtes multiples» aux coins des rues. Je dois prendre mon courrier dans une case, la case numéro douze de la boîte multiple centrale. Je suis content parce ce que je n'ai pas à me pencher beaucoup pour retirer mes lettres et autres de la case postale. Mais il y aura toujours des irréductibles pour remettre la pendule à l'heure, dont l'auteur de la présente. Nous avons perdu un acquis important, une habitude vient de se perdre à jamais, celle de tendre le bras pour avoir son courrier. Ne venez surtout pas me dire d'enlever ma boîte postale du mur de ma maison! Postes Canada n'a qu'à bien se tenir si elle me pose problème! Déjà qu'une épine me blesse cruellement. Et sur ce, je ferme la parenthèse sur le sujet du courrier. Bang! Comme ça! Passons.
Nous sommes à la veille de 1980 et j'écris à maman pour savoir si j'ai toujours un lit qui m'attend à la maison. Je prépare mon retour en Abitibi. Je n'aime pas les grandes villes. Le béton, le bruit. Éviter le regard de l'autre quand on est dans une rame du Métro. La neige qui tourne en gadoue au moindre réchauffement de la température, mieux vaut avoir des bottes de «pines», des bottes de caoutchouc en bon canadien français, pour marcher dans cette... dans cette neige mouillée. Tout coûte cher, tu lâches un pet et tu sors le portefeuilles! Les distances, ah, les distances, c'et une toute autre affaire: Quand tu dis que tu restes un pâté de maisons plus bas, précise à ton invité qui vient de ta région que cela peut prendre une grosse demi-heure pour atteindre l'autre coin du pâté en question. Disons que je suis en France et que j'habite le département Maine et Loire, dans la commune de Chemillé-en-Anjou (le lieu de naissance de l'ancêtre Pierre Hudon dit Beaulieu. Je décide, du jour au lendemain, de m'installer au centre de la ville de Paris. Non. Je suis plus campagnard que citadin et c'est pourquoi je vais me retirer au fond des terres de l'Abitibi. La forêt me fera grand bien, elle m'apaisera, comme elle en a l'habitude. En son sanctuaire, je serai bien c'est certain.
Lorsque je ne suis pas penché sur une lettre, je ne me lasse pas d'écouter les stations radiophoniques de la métropole. Elles sont de toutes les langues et sont palpitantes à entendre. On dirait que la planète entière est en ville! Pendant un certain temps, j'ai jonglé avec cette idée de devenir animateur radio. J'ai même poussé ce projet jusqu'à vouloir m'inscrire à des cours particuliers en radiodiffusion, des cours offerts par l'illustre Roger Baulu, connu comme Barrabas dans la Passion, dans la belle province. Roger Baulu, surnommé le prince des animateurs - un peu comme l'animateur Michel Drucker, en France - animait une émission de télévision très prisée par les québécois «Les Couche-tard» avec un autre animateur populaire, Jacques Normand.
Monsieur Baulu était une sommité dans le secteur de la radio à Montréal. Il avait œuvré dans le temps, des années trente à soixante, pour les stations CFCF, CKAC et CKVL.
Avec les années, il avait ouvert un bureau de radiodiffusion sur la rue Berri, presque au centre-ville de Montréal. Il suffisait, pour y avoir accès, de prendre le Métro et de débarquer au Terminus, à Berri-de-Montigny (aujourd'hui Berri-UQAM). Je dis que j'ai jonglé avec cette idée car je savais bien que je ne pourrais me permettre l'enseignement de monsieur Baulu. Le cours incluait des cours de diction, la mise en ondes, l'animation d'une émission d'actualités ou de nouvelles et les frais qui se rattachaient à l'apprentissage de toutes ces notions étaient assez élevés, merci. Enfin, pour un assisté-social comme moi.
Et si je ne pouvais réaliser ce rêve, je pouvais au moins songer à une carrière en journalisme. J'aimais les mots. Pourquoi pas? Ce projet devrait un jour se réaliser, à mon grand bonheur. En Abitibi, qui plus est! Mieux encore: Pour la région du Témiscamingue! Mais ça, c'est un autre histoire. Pour l'instant, je suis dans la poésie jusqu'aux oreilles, je mange des spaghettis et je rêve à mon retour à Rouyn, à sept heures de route en autobus. C'est à cela que je songe lorsque je me retrouve dans une rame de Métro ou en autobus de ville. La plupart du temps, quand je pense à l'Abitibi j'oublie que j'ai un sourire sur les traits, durant le trajet. Les gens sourient, ils me rendent la pareille... Et c'est le cœur léger le soir venu, que je reprend la plume. Les poèmes, quant à eux, se manifestent surtout les soirs de neige, pendant les tempêtes. Ma fenêtre, en ces instants, est de givre et je dois apposer les paumes de mes mains sur la vitre pour venir à bout de voir dehors, ne serait-ce que quelques secondes. Je désespère de voir ce qui se trame à l'extérieur et je deviens anxieux. Puis triste. Le poème, alors, se matérialise. Je n'y peux rien, les circonstances elles, y sont pour beaucoup dans ces éclosions...
Je me dis qu'il ne sert à rien de se presser. Je vais déménager dans quelques mois, après les grands froids et tout redeviendra à la normale: Je vais cesser d'écrire des poèmes et de vivre la nuit pour retrouver le marché du travail et gagner ma vie, une vie plus facile que celle vécue ici et maintenant. Le nord-ouest m'attend, c'est le vent qui me le dit, le grand vent du nord, le Nordet. Il me siffle et m'appelle en criant :
J'ai le goût de me précipiter dehors et de lui répondre que je ne peux pas tout de suite mais que le temps viendra où je pourrai me remettre en route vers ma chère Témiscabitibi et que ce temps-là ne sera pas long à se pointer mais je me refuse à paraître con devant les autres. Aussi, je reste bien assis sur ma chaise en bois, devant ma table en bois, face à la fenêtre, muet. Cette époque, je la vois surtout comme un intermède dans ma courte vie. 1978, je sors de la vie militaire, 1979 à 1981, je suis à Saint-Hubert, puis à Longueuil et enfin à Chambly. Rouyn s'en vient...
Bibi, signifie Moi. Bitibi, parce que je suis un enfant de l'Abitibi. Mon père a grandi à Saint-Joseph-de-Cléricy, une localité rurale de l'Abitibi. Bitibi qui deviendra un autre de mes personnages, un de ces jours, je le sais.
Le beat a ti-bi
Anodajay
Album Septentrion
LE BEAT A TI-BI
[Refrain: Raoul Duguay]
Moé j’viens d’l’Abitibi
Moé j’viens d’la Bitt à Ti-Bi
Moé j’viens d’un pays qui est un arbre fort
Moé j’viens d’un pays qui pousse dans le Nord
Moé j’viens d’l’Abitibi
Moé j’viens d’la Bitt à Ti-Bi
Moé j’viens d’un pays qui est d’un lac vert rare
Moé j’viens d’un pays où ce que l’poisson mord
[Verse 1: Anodajay]
J’viens du nord-ouest du Québec pour ceux qui le savent pas
Où est-ce qui fait frette ça 117 à 7 heures dans l’bois
Au Nord, mais d’l’autre bord, où est-ce que l’doré mord
Où se cache le cuivre et l’or, où faut être fort parce que ça fête tard
Où y a des belles dames, des castors, où y a des braves gars
Amos, La Sarre, Val d’or pis Rouyn-Noranda
J’sais qu’ça parle fort de chaque bord depuis que j’rappe à bord
C’parce que j’frappe fort, pis parce que j’mords comme un frapabor
J’viens d’un pays où on développe un instinct animal
Plutôt amical, en général on reste original
Y en a qui le prenne mal, les langues sales me traitent de marginal
Comme si c’t’ait mal de faire du cheval à dos d’orignal
Où les habitants ont l’cœur gros comme leur territoire
Où y a pas juste des mouches noires pis des mineurs qui toussent et mouchent noir
Où y a des lacs verts, pis chaque terre, une histoire
Où après chaque hiver, on est fier de crier Victoire
[Raoul]
En l’an 2006, en Abitibi, dans mon pays Côôôôôôôôôôloniséééé !
[Verse 2: Anodajay]
Moé j’viens d’l’Abitibi
Moé j’viens d’la Bitt à Ti-Bi
Moé j’viens d’un pays qui a un ventre en or
Moé j’viens d’un pays où ce qui neige encore
La nature appelle, tandis les sapins nous apaisent
On se met à l’aise, le mercure baisse on allume la fournaise
Une partie de pêche, une petite caisse
Tandis qu’la glace est épaisse sous la neige
Où y a personne qui se dépêche, où qu’y a pu rien qui presse
Où on se ressource, où on puise nos ressources naturelles
On reste dans Nature, comment veux-tu qu’on reste pas naturel
Où les maringouins se promènent l’hiver avec des casses de poils
Pas besoin d’aller plus loin qu’en arrière pour un sapin d’Noël
J’viens d’la campagne, où y a personne qui nous tanne
Où on s’retrouve autour d’un feu de camp pour un braise et boucane
Où les visages du voisinage portent les paysages
À coup d’hache pis d’courage, à coup d’cœur à l’ouvrage !!!
[Raoul]
Qui avait pas d’chansaw
Qui avait hache et boxsaw
Pis des bras dûrs comme d’la roche
Pis des cuisses comme des troncs d’arbres
Pis du front tout le tout d’la tête
Et qui n’était pas si bête
En l’an 2006, en Abitibi, dans mon pays Côôôôôôôôôôloniséééé !
La chanson originale:
C'est ici que je fais connaissance avec l'assistance sociale et l'aide financière de dernier recours, un programme parrainé par le gouvernement du Québec pour aider les moins biens nantis à vivre un peu mieux que s'ils devaient cheminer dans l'itinérance. Je rejoins les rangs des assistés sociaux, le temps d'un hiver. Je passerai la saison morte à faire le rat de bibliothèque à la bibliothèque du quartier.
C'est ici également que je connaîtrai enfin les grands poètes québécois tels Alfred DesRochers, Émile Nelligan, Gaston Miron, Gilles Vigneault, Hector de Saint-Denys Garneau, Félix Leclerc et Anne Hébert, pour ne citer que mes préférés.
Je vivrai de lecture et de spaguettis au jus de tomates réfrigéré à la fenêtre l'espace de quelques mois d'hiver. La nuit deviendra ma compagne, au silence se mêlera mon souffle; penché sur une feuille blanche avec cette envie de la noircir au plus vite, je resterai de longues heures sans pouvoir écrire quoi que ce soit.
Je préfère les nuits sans lune à celles éclairées de l'astre, je vis en retrait du monde et je me plais ainsi, conscient du fait que je reprendrai la course à l'emploi dès les premiers jours de la saison printanière. Ces longues heures à lire la poésie de ces personnages ont fait en sorte que je me suis pris à aimer leurs univers respectifs et à envier ces beaux éclats de mots qu'ils jetaient sur le papier à la mêlée. Plongé dans ces mondes, je me souciais peu de ma pauvreté. Les autres chambreurs vaquaient à leurs occupations et me laissait, plus souvent que jamais, tranquille. Au début du mois, ceux-ci étaient bruyants et pleins de vie; ils se visitaient une bière à la main, une cigarette dans l'autre et passaient des soirées longues à discuter de tout et de rien, pour le plaisir de converser. Quinze jours plus tard, la maison de chambres était redevenue silencieuse. Plus personne n'avait d'argent, tous étaient dorénavant dans l'attente du prochain chèque qui arriverait pile au 1er du mois. Je ne buvais pas, aussi mon argent me servait-il à faire une petite épicerie qui me durerait au moins une vingtaine de jours. Après, après seulement venait la canne de jus de tomates et les spaghettis al dente!
Je crois que c'est ici à Longueuil qu'est née l'idée d'un retour éventuel en milieu académique, pour approfondir un peu plus sur le sujet des lettres. Mais ces mois d'hiver, longs et rigoureux m'ont vite rappelé à l'ordre. J'ai mis ce projet de côté et il s'est vite retrouvé aux calendes grecques, le temps d'une bonne neige. Nous sommes à la fin des années soixante-dix, l'Internet ne sera ici qu'en 1995. On fonctionne avec le téléphone fixe et la boîte aux lettres pour tout faire et comme j'ai opté dès la sortie des forces armées canadiennes pour une vie modeste, je suis devenu un adepte de la simplicité volontaire et cela m'arrange énormément de ne pas avoir de téléphone dans ma chambre. Je suis à pied et d'avoir à prendre l'autobus pour me rendre où que ce soit en ville demande des sous. Pas de sous, pas d'autobus. Simple comme bonjour. Il vaut mieux résider près d'un dépanneur ou encore mieux, près d'une épicerie. Le peu de sous qu'il me reste, je garde pour des jours meilleurs. En quête de travail, il faut des sous pour se rendre aux entrevues. Il faut avoir une bonne présentation et une dose d'assurance pour gagner le job offert.
Donc, mes journées étaient occupées par une heure de marche quotidienne pour faire l'aller et revenir de la bibliothèque en après-midi. L'avant-midi et le soir, je dormais. La nuit venue, j'allumais la lumière pour lire ce que j'avais rapporté chez-moi le jour même, soit un livre, un magazine d'actualités ou un recueil de poésie.
De temps à autre, je profite de ces heures tardives pour écrire une lettre à un membre de ma famille, maman ou Claude mon jeune frère; de mes trois frères, il est celui avec qui je m'entends le mieux.
Écrire une lettre et la mettre à la poste en 2016 commence à sonner faux. On ne se souviendra plus de ce mode de communication dans vingt ans... Dommage. À l'époque, c'était la façon de maintenir les liens avec sa famille et les amis, on se tournait naturellement vers le papier, l'enveloppe et le timbre. Je crains la disparition de la Poste. Depuis peu, on a cesser la livraison du courrier à domicile. Nos boîtes de courrier ne servent plus à rien maintenant, nous devons tous marcher pour avoir le courrier que nous avions auparavant à bout de bras..
Ils ont installé ce qu'ils appellent des «Boîtes multiples» aux coins des rues. Je dois prendre mon courrier dans une case, la case numéro douze de la boîte multiple centrale. Je suis content parce ce que je n'ai pas à me pencher beaucoup pour retirer mes lettres et autres de la case postale. Mais il y aura toujours des irréductibles pour remettre la pendule à l'heure, dont l'auteur de la présente. Nous avons perdu un acquis important, une habitude vient de se perdre à jamais, celle de tendre le bras pour avoir son courrier. Ne venez surtout pas me dire d'enlever ma boîte postale du mur de ma maison! Postes Canada n'a qu'à bien se tenir si elle me pose problème! Déjà qu'une épine me blesse cruellement. Et sur ce, je ferme la parenthèse sur le sujet du courrier. Bang! Comme ça! Passons.
Nous sommes à la veille de 1980 et j'écris à maman pour savoir si j'ai toujours un lit qui m'attend à la maison. Je prépare mon retour en Abitibi. Je n'aime pas les grandes villes. Le béton, le bruit. Éviter le regard de l'autre quand on est dans une rame du Métro. La neige qui tourne en gadoue au moindre réchauffement de la température, mieux vaut avoir des bottes de «pines», des bottes de caoutchouc en bon canadien français, pour marcher dans cette... dans cette neige mouillée. Tout coûte cher, tu lâches un pet et tu sors le portefeuilles! Les distances, ah, les distances, c'et une toute autre affaire: Quand tu dis que tu restes un pâté de maisons plus bas, précise à ton invité qui vient de ta région que cela peut prendre une grosse demi-heure pour atteindre l'autre coin du pâté en question. Disons que je suis en France et que j'habite le département Maine et Loire, dans la commune de Chemillé-en-Anjou (le lieu de naissance de l'ancêtre Pierre Hudon dit Beaulieu. Je décide, du jour au lendemain, de m'installer au centre de la ville de Paris. Non. Je suis plus campagnard que citadin et c'est pourquoi je vais me retirer au fond des terres de l'Abitibi. La forêt me fera grand bien, elle m'apaisera, comme elle en a l'habitude. En son sanctuaire, je serai bien c'est certain.
Lorsque je ne suis pas penché sur une lettre, je ne me lasse pas d'écouter les stations radiophoniques de la métropole. Elles sont de toutes les langues et sont palpitantes à entendre. On dirait que la planète entière est en ville! Pendant un certain temps, j'ai jonglé avec cette idée de devenir animateur radio. J'ai même poussé ce projet jusqu'à vouloir m'inscrire à des cours particuliers en radiodiffusion, des cours offerts par l'illustre Roger Baulu, connu comme Barrabas dans la Passion, dans la belle province. Roger Baulu, surnommé le prince des animateurs - un peu comme l'animateur Michel Drucker, en France - animait une émission de télévision très prisée par les québécois «Les Couche-tard» avec un autre animateur populaire, Jacques Normand.
Monsieur Baulu était une sommité dans le secteur de la radio à Montréal. Il avait œuvré dans le temps, des années trente à soixante, pour les stations CFCF, CKAC et CKVL.
Avec les années, il avait ouvert un bureau de radiodiffusion sur la rue Berri, presque au centre-ville de Montréal. Il suffisait, pour y avoir accès, de prendre le Métro et de débarquer au Terminus, à Berri-de-Montigny (aujourd'hui Berri-UQAM). Je dis que j'ai jonglé avec cette idée car je savais bien que je ne pourrais me permettre l'enseignement de monsieur Baulu. Le cours incluait des cours de diction, la mise en ondes, l'animation d'une émission d'actualités ou de nouvelles et les frais qui se rattachaient à l'apprentissage de toutes ces notions étaient assez élevés, merci. Enfin, pour un assisté-social comme moi.
Et si je ne pouvais réaliser ce rêve, je pouvais au moins songer à une carrière en journalisme. J'aimais les mots. Pourquoi pas? Ce projet devrait un jour se réaliser, à mon grand bonheur. En Abitibi, qui plus est! Mieux encore: Pour la région du Témiscamingue! Mais ça, c'est un autre histoire. Pour l'instant, je suis dans la poésie jusqu'aux oreilles, je mange des spaghettis et je rêve à mon retour à Rouyn, à sept heures de route en autobus. C'est à cela que je songe lorsque je me retrouve dans une rame de Métro ou en autobus de ville. La plupart du temps, quand je pense à l'Abitibi j'oublie que j'ai un sourire sur les traits, durant le trajet. Les gens sourient, ils me rendent la pareille... Et c'est le cœur léger le soir venu, que je reprend la plume. Les poèmes, quant à eux, se manifestent surtout les soirs de neige, pendant les tempêtes. Ma fenêtre, en ces instants, est de givre et je dois apposer les paumes de mes mains sur la vitre pour venir à bout de voir dehors, ne serait-ce que quelques secondes. Je désespère de voir ce qui se trame à l'extérieur et je deviens anxieux. Puis triste. Le poème, alors, se matérialise. Je n'y peux rien, les circonstances elles, y sont pour beaucoup dans ces éclosions...
Je me dis qu'il ne sert à rien de se presser. Je vais déménager dans quelques mois, après les grands froids et tout redeviendra à la normale: Je vais cesser d'écrire des poèmes et de vivre la nuit pour retrouver le marché du travail et gagner ma vie, une vie plus facile que celle vécue ici et maintenant. Le nord-ouest m'attend, c'est le vent qui me le dit, le grand vent du nord, le Nordet. Il me siffle et m'appelle en criant :
«L'Abitibi t'attend, elle t'attend!»
J'ai le goût de me précipiter dehors et de lui répondre que je ne peux pas tout de suite mais que le temps viendra où je pourrai me remettre en route vers ma chère Témiscabitibi et que ce temps-là ne sera pas long à se pointer mais je me refuse à paraître con devant les autres. Aussi, je reste bien assis sur ma chaise en bois, devant ma table en bois, face à la fenêtre, muet. Cette époque, je la vois surtout comme un intermède dans ma courte vie. 1978, je sors de la vie militaire, 1979 à 1981, je suis à Saint-Hubert, puis à Longueuil et enfin à Chambly. Rouyn s'en vient...
Bibi, signifie Moi. Bitibi, parce que je suis un enfant de l'Abitibi. Mon père a grandi à Saint-Joseph-de-Cléricy, une localité rurale de l'Abitibi. Bitibi qui deviendra un autre de mes personnages, un de ces jours, je le sais.
Témisca, c'est le nom du personnage principal de la légende du même nom mais c'est aussi le début du nom Témiscamingue. Ma mère est native du village de Nédelec au Témiscamingue, je suis aussi un enfant de cette région.
En fin de compte, je suis né à Haileybury, en Ontario, de parents issus de l'Abitibi et du Témiscamingue, au Québec. Je suis un franco-ontarien de naissance, un québécois de souche et de cœur. Bilingue: Français/Anglais. Français, par défaut. La mère de ma mère est une Boileau et le père de mon père est un Beaulieu, de Saint-Romuald, dont l'ancêtre était de Rivière-Ouelle, au Québec et de Chemillé, en Anjou, France.
Et le Témis me manque autant que la Bit-A-Tibi! J'aurais le goût de faire la fête tout de suite!
En fin de compte, je suis né à Haileybury, en Ontario, de parents issus de l'Abitibi et du Témiscamingue, au Québec. Je suis un franco-ontarien de naissance, un québécois de souche et de cœur. Bilingue: Français/Anglais. Français, par défaut. La mère de ma mère est une Boileau et le père de mon père est un Beaulieu, de Saint-Romuald, dont l'ancêtre était de Rivière-Ouelle, au Québec et de Chemillé, en Anjou, France.
Et le Témis me manque autant que la Bit-A-Tibi! J'aurais le goût de faire la fête tout de suite!
LE BEAT À TI-BI
Le beat a ti-bi
Anodajay
Album Septentrion
LE BEAT A TI-BI
[Refrain: Raoul Duguay]
Moé j’viens d’l’Abitibi
Moé j’viens d’la Bitt à Ti-Bi
Moé j’viens d’un pays qui est un arbre fort
Moé j’viens d’un pays qui pousse dans le Nord
Moé j’viens d’l’Abitibi
Moé j’viens d’la Bitt à Ti-Bi
Moé j’viens d’un pays qui est d’un lac vert rare
Moé j’viens d’un pays où ce que l’poisson mord
[Verse 1: Anodajay]
J’viens du nord-ouest du Québec pour ceux qui le savent pas
Où est-ce qui fait frette ça 117 à 7 heures dans l’bois
Au Nord, mais d’l’autre bord, où est-ce que l’doré mord
Où se cache le cuivre et l’or, où faut être fort parce que ça fête tard
Où y a des belles dames, des castors, où y a des braves gars
Amos, La Sarre, Val d’or pis Rouyn-Noranda
J’sais qu’ça parle fort de chaque bord depuis que j’rappe à bord
C’parce que j’frappe fort, pis parce que j’mords comme un frapabor
J’viens d’un pays où on développe un instinct animal
Plutôt amical, en général on reste original
Y en a qui le prenne mal, les langues sales me traitent de marginal
Comme si c’t’ait mal de faire du cheval à dos d’orignal
Où les habitants ont l’cœur gros comme leur territoire
Où y a pas juste des mouches noires pis des mineurs qui toussent et mouchent noir
Où y a des lacs verts, pis chaque terre, une histoire
Où après chaque hiver, on est fier de crier Victoire
[Raoul]
En l’an 2006, en Abitibi, dans mon pays Côôôôôôôôôôloniséééé !
[Verse 2: Anodajay]
Moé j’viens d’l’Abitibi
Moé j’viens d’la Bitt à Ti-Bi
Moé j’viens d’un pays qui a un ventre en or
Moé j’viens d’un pays où ce qui neige encore
La nature appelle, tandis les sapins nous apaisent
On se met à l’aise, le mercure baisse on allume la fournaise
Une partie de pêche, une petite caisse
Tandis qu’la glace est épaisse sous la neige
Où y a personne qui se dépêche, où qu’y a pu rien qui presse
Où on se ressource, où on puise nos ressources naturelles
On reste dans Nature, comment veux-tu qu’on reste pas naturel
Où les maringouins se promènent l’hiver avec des casses de poils
Pas besoin d’aller plus loin qu’en arrière pour un sapin d’Noël
J’viens d’la campagne, où y a personne qui nous tanne
Où on s’retrouve autour d’un feu de camp pour un braise et boucane
Où les visages du voisinage portent les paysages
À coup d’hache pis d’courage, à coup d’cœur à l’ouvrage !!!
[Raoul]
Qui avait pas d’chansaw
Qui avait hache et boxsaw
Pis des bras dûrs comme d’la roche
Pis des cuisses comme des troncs d’arbres
Pis du front tout le tout d’la tête
Et qui n’était pas si bête
En l’an 2006, en Abitibi, dans mon pays Côôôôôôôôôôloniséééé !
La chanson originale:
La Bit-A-Tibi
Raoul Duguay
Moé j'viens d' l'Abitibi Moé j'viens d' la Bitt à Tibi Moé j'viens d'un pays Qui'est un arbre fort Moé j'viens d'un pays Qui pousse dans le Nord Dans ce pays qui était comme neuf Le treize février mille neuf cent trente-neuf J'sus né à Val d'Or en Abitibi Dans ce pays qui est encore tout neuf J'avions connu Ernest Turcotte Qui vivait entre de beaux bois ronds Qui parlait aux âbres et aux taons Qui chaque matin chaussait ses bottes Pour aller comme Ti-Jos Hébert Fendre la fôret avec ses nerfs Qui avait pas de chain saw Qui avait hache et bôxa Pis des bras durs comme la roche Pis des cuisses comme des troncs d'âbe Pis du front tout l'tour d'la tête Pis qui n'était pas si bête En mille neuf cent dix En Abitibi Dans mon pays Côôôôôôôôôôôôôôôôôôôôlônisé Moé j'viens d'l'Abitibi Moé j'viens d'la Bit à Tibi Moé j'viens d'un pays Qui a un ventre en or Moé j'viens d'un pays Oùsque l'poisson mord Quand j'étions petit j'allions jouer aux bois Avec les épinettes et les bouleaux J'aimions gazouiller avec les oiseaux Quand j'étions petit je suivions le ruisseau Je jouais de l'Harricana Sur la rivière Harmonica J'orgordions passer les gros chars Sur ma p'tite cenne qui v'nait en or Dans un banc de neige Creusais maison Et dans la glace j'écrivais ton nom Et l'hiver à l'aréna On patinait tout en tas L'été près du lac Blouin On faisait semblant de rien On ramassait des beuluets Qu'on vendait pour presque rien En mille neuf cent queques En Abitibi Dans mon pays Côôôôôôôôôôôôôôôôôôôôlônisé Moé j'viens d'l'Abitibi Moé j'viens d'la Bitt à Tibi Moé j'viens d'un pays Qui a un ventre en or Moi j'viens d'un pays Oùsque il neige encôre Dans mon pays qu'on dit hors de la carte Mon oncle Edmond travaillait sous la terre Mais il creusait dans l'or sa propre mort Mon oncle Edmond nous a mis sur la carte Dans mon pays qui a grandi Il paraît qu'aux tout premiers temps On y gagnait beaucoup d'argent Y a de l'or en barres qui dort ici Y a même des poignées de porte en or En cuivre en fer qui vont de l'autre bord J'aimions jouer dans la fanfare Pour épater tout les pétards Quand j'allais en haut d'Château-Inn Boire et rire avec mes piastres J'orvenions cômptant les astres Au p'tit matin près de la mine En mille neuf cent tout En Abitibi Dans mon pays Côôôôôôôôôôôôôôôôôôôôlônisé À li-bé-rer
______________________________________________________ Source: http://membres.lycos.fr/folklyrics/raoul/bitt.html
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