dimanche 4 septembre 2016

De vies éteintes et de croix sur la route.

       À l'époque, il y a quarante ans, nous conduisions à 120 milles à l'heure (190 k/h) sur les routes de l'Abitibi-Témiscamingue, une région disons, encore peu peuplée par la gente policière.
 
On se donnait un coup de téléphone et on savait tout de suite où se trouvaient les patrouilleurs de la Sûreté du Québec. Quand ceux-ci étaient dans le secteur de la ville de Val-D'or, nous pouvions rouler en toute liberté dans l'autre direction, une bonne bouteille de bière entre les cuisses, bien assit derrière le «steering», la ceinture de sécurité bien remisée à sa place, c'est à dire sur le côté du siège ou tout au fond de ce dernier puisqu'elle n'avait semble-t'il, pas d'utilité. J'évoque cette ceinture mais dans le temps, je ne pensais même pas à me croiser le torse avec cette protection, tant je pensais être en sécurité. Il n'était pas rare aussi de rencontrer deux gars en train de jaser sur le côté de la route, appuyés tous deux contre leurs voitures, parfois même stationnaires au centre de la route, une bière dans la main, une cigarette dans l'autre, les moteurs qui tournent tranquillement.
 
             Si on avait une décapotable, c'était le summum: Un été de rêve nous attendait sur la route, la musique à fond, le pied sur la pédale et les cheveux au vent! On se voisinait d'une ville à l'autre quand ce n'était pas en campagne, quelque part au nord de La Sarre ou encore un coin isolé, comme Belleterre, au Témiscamingue. Les bars pullulaient et la bière canadienne, réputée pour sa saveur mais surtout pour son taux d'alcool élevé, faisaient rêver les américains, de l'autre côté de la frontière. Quand ils n'en pouvaient plus, ils traversaient pour venir boire un coup mémorable.
 
                Il faut dire qu'en Ontario, les bars ferment à 01h00 du matin. Au Québec, c'est à 3 heures qu'ils procèdent à la fermeture des lieux. Trois heures pile et les lumières s'allument. Au Québec, le meilleur endroit, pour un consommateur anglophone, c'est Ottawa en Ontario et Gatineau, au Québec. Tu bois jusqu'à une heure du matin en Ontario, tu traverses le pont et tu termines la soirée à Gatineau, où tu veilles jusqu'à trois heure du mat! N'est-ce pas merveilleux? Généralement, la clef est dans la porte à 3h30 et tous se précipitent aux restos pour conclure la soirée sur une bonne note.
 
Je dis généralement parce que jadis, on assistait à la fermeture de l'intérieur de l'établissement, sans sortir visiter le trottoir. Pourquoi? Mais pour continuer la veillée, joual vert! On les rencontrait de temps à autre, en terrre témiscabitibienne, ces bon vieux américains. Dans nos forêts comme sur nos lacs. Toujours affables et souriants, ces amerlots!
 
L'Abitibi et le Témis, comme on dit ici, couvrent une superficie de 65 000 kilomètres sur laquelle 146 000 individus vivent, une population répartie sur l'ensemble de ce vaste territoire. Les cinq principales villes de la région sont localisées à équidistance : Si je suis à Rouyn-Noranda, je suis au centre de toutes ces municipalités. On peut rejoindre chacunes d'elles en un peu plus d'une heure de route, cela à 90 km heure.

Oui, il y avait peu ou pas d'accident routiers, on conduisait en toute lucidité la plupart du temps et c'était bien ainsi, malgré nos folleries. Aujourd'hui, en 2016, c'est la sécurité avant tout, Dieu merci! La population a fortement augmentée ces dernières années, en raison du développement minier surtout mais aussi parce qu'elle attire de plus en plus de villégiateurs. 
 
Un flot constant de voitures parcourent l'asphalte grise et nous devons avoir des yeux tout le tour de la tête pour voyager. Dorénavant, l'autre est devenu celui dont il faut se méfier, qu'il soit devant nous ou à l'arrière de la voiture. S'agit-il d'un suicidaire, d'un gars pressé par le temps ou de quelqu'un qui s'apprête à faire violence? Sais pas. Je sais juste qu'il faut que je me «watch» en maudit pour rester en vie. Chaque jour que le Bon Dieu apporte sur cette Terre, je dois faire trente minutes de route. Cela ne me tue pas encore mais ça me trottte quand même un peu pas mal dans la tête, cette idée de rencontre fatale.

 

Donc, je  quitte la sécurité de la ville à 07h40 et j'emprunte la route 117, la Transcanadienne, pour être précis. Chaque matin et chaque soir à 17h00, je guette celle ou celui qui fera une gaffe majeure. Puis, je remercie le Bon Dieu de ne pas en avoir croiser jusqu'à cette heure. J'avoue tout de go, cher lecteur, qu'aujourd'hui je porte  scrupuleusement la ceinture de sécurité et que je n'ai plus de bière entre les cuisses depuis belle lurette. Je n'ai pas de décapotable et encore moins, de cheveux.
Non, non, non. Ne pas oublier que des fous, des imbéciles et des invincibles sillonnent maintenant les routes de cette belle région. En fait, ce phénomème se reproduit partout au Québec. Il y a longtemps que les ontariens nous prennent pour des fous quand nous sommes sur leurs routes. À juste raison : "I do understand them.». Je les comprends. La situation est à ce point devenue dangereuse que la Sûreté du Québec est partout désormais, les patrouilles suffisamment visibles, appuyées par des campagnes de sensibilisation fortes et bien senties auprès des citoyens, sécurisent mieux nos routes.  

Tant mieux, c'était vraiment devenu nécessaire d'assurer une vigilance constante. Comme un parent, avec ses enfants, à titre d'exemple.

       Il n'est pas rare de se voir dépasser par un con sur une ligne double jaune, ce qui est toujours un gros «Non-Non» pour la majorité des conducteurs québécois, heureusement. On voit des jeunes qui calculent mal le temps qu'ils ont pour effectuer un dépassement; ils se risquent avec aisance et commettent ainsi la vie de leurs passagers. Tout cela sur l'implusion de prendre une petite chance, puisqu'une longue vie se dresse devant eux, pensent-ils.

Moi, ma vie est devenue courte avec le temps. Je suis à la veille de garer ma voiture à la maison, en permanence. Je n'aurai bientôt plus à risquer ma vie pour me rendre au travail et c'est avec le sourire que j'y pense. Je souhaite seulement que la route «117» ne soit plus la route «Sang-17». On pourrait presque dire «Cent décès»... Il y a déjà trop de croix qui jalonnent les côtés de nos routes, il y a déjà trop de vies éteintes...


















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Voir ce vidéo pour mieux comprendre ce dont je parle, ces dépassements et tout et tout :


De plus, ça donne l'occasion de voir le paysage abitibien!
 
 
 
 
 
 
 
 



 

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