jeudi 19 septembre 2013

Là-bas, ailleurs : Le Monde, les forces...

     Je me suis renseigné sur les forces armées canadiennes : L'armée, l'aviation, la marine. L'aviation me tente beaucoup : Je pourrais voir le monde d'en haut, le découvrir comme un aiglon se laissant glisser le long d'un pic rocheux, toucher le sol, apprivoiser des gens, des mentalités différentes. 

La marine arrive en deuxième place dans mes pensées : Une fille pour chaque port... L'armée de terre, soldat de guerre. Trop pacifique. Il ne restent que l'aviation et la marine. Je préfère l'air à l'eau; l'asthme témoigne du besoin de bien respirer. À l'eau, je risquerais de ne pas respirer longtemps... Va pour l'aviation! La liberté, l'air tout court! Les femmes seront au rendez-vous de toute manière!



Bon. Cela décidé, que me reste-t-il à faire? Il faut que je trouve un centre de recrutement, je devrai m'informer sur les métiers offerts par les forces armées canadiennes, les professions qui menacent moins l'état de santé du Beaulieu qui bientôt, sera soldat.

         J'ai appris que celui qui est le plus près de Noranda est à North Bay, en Ontario. L'endroit même où j'ai fait mes premiers pas en institution académique. J'ai habité cette ville, assez longtemps pour y faire mes trois premières années d'école au Primaire.


         Au Québec, l'instruction se donne sur quatre niveaux d'éducation : Le Primaire, le Secondaire, le Collégial et l'Universitaire. Les six premières années constituent le Primaire, les cinq années suivantes, le Secondaire. Au Collégial, tout dépend de l'orientation de l'étudiant. On peut y être une, deux, trois années avant de choisir d'arrêter ou de poursuivre les études; si celles-ci sont plus poussées, on se retrouve à l'université.

Beaucoup, aujourd'hui, optent pour ne pas aller au Collégial. Ceux-là seront chômeurs non rémunérés, en attendant la majorité, soit dix-huit ans. À cet âge, on peut soit effectuer un retour en classe rémunéré, soit aborder le marché.  Et l'on s'arrête au Collégial, le marché du travail se profile également à l'horizon.
Me voilà bien avisé, à cette heure. Il me suffira de choisir le moment de m'y présenter et ça, si ce n'est pas pour demain, c'est pour bientôt. Le printemps ne tardera pas à se présenter, le froid s'est levé il y a deux semaines. Peut-être au mois de mai, ou encore au mois de juin. Il fait plus chaud à ce moment de l'année, ç'est mieux pour faire du pouce...
    
C'est à la mi-juin que je me décidé. Mes parents sont partis hier en vacances, je ne sais où; cela me paraît le moment idéal pour mettre les voiles. En deux temps, trois mouvements, j'emplis le havre sac et je ferme la maison. Il est huit heures du matin. À plus tard, les corvées confiées par le paternel, je saurai bien me reprendre au retour du voyage. Je me rend à pied à l'autre bout de la ville, à sa sortie ouest.

Je lève enfin le pouce. Moins d'une heure après, un bon samaritain arrête sa voiture à ma hauteur et me prend à son bord. Nous quittons l'Abitibi, traversons le Témiscamingue et pénétrons bientôt dans la province voisine, l'Ontario. L'homme doit se rendre à Toronto, ce qui fait mon affaire car ce trajet nous amène à la ville de North Bay. Nous venons de quitter l'autoroute 101 et nous empruntons maintenant la 11, l'autoroute qui conduit à cette ville. Le conducteur s'avère moins loquace que je ne le pensais, nous faisons un beau voyage. Il est midi et demi quand nous atteignons North Bay.

À un moment donné, nous croisons la Transcanadienne, l'autoroute 17. Peu après, on se dirige allègrement vers la rue Fisher. Elle conduit à la rue Main, soit la rue Principale, en bon français. L'homme me fait descendre à l'embranchement de ces deux rues et m'indique comment me rendre au centre de recrutement des Forces armées canadiennes, situé à
quelques pâtés de maisons.

Je ne me suis pas précipité dans les bureaux du centre de recrutement. Non, je me suis tout simplement installé devant l'édifice du 373 Main Street. Je ne me souviens sais pas si cette adresse civique correspond à celle connue en 1973 mais toujours est-il que j'ai longuement observé la porte avant de la pousser. J'ai rencontré l'officier recruteur, des questions précises ont fusées de part et d'autre pendant près d'une heure puis je me suis levé, j'ai serré la main du militaire, il m'a remis un paquet de formulaires à compléter et je me suis retrouvé dans la rue, comme tombé des nues... Enfin, un rêve se réalise! D'ici quelques mois, je me retrouve à Saint-Jean-Sur-Richelieu et je franchis les barrières de la base militaire où les Forces forment tous les francophones du pays. Je crois que tous les anglais vont à à la base militaire de Gagetown, au Nouveau-Brunswick.

Je me penche et je dépose le paquet de formulaire sur le trottoir, afin de renouer un lacet d'espadrilles.

"Je peux savoir ce que tu fais ici, Yves?"


Toujours penché sur ma chaussure, je suis figé d'horreur. C'est la voix de papa! Mais qu'est-ce qu'il fout ici, à North Bay, en pleine rue principale. Je réussi à garder mon sang-froid tandis que je me relève et lui fait face.

Maman est accrochée à son bras, radieuse mais avec une pointe d'étonnement dans le regard. Papa me regarde, franchement étonné, lui. Un peu plus et il me dissèque sur place!

"Allô m'man, salut p'pa! Je sors d'une entrevue", dis-je en pointant l'index vers le centre de recrutement.
 

Papa comprend tout de suite. "Ça fait longtemps que ça mijote, cette manigance là?  
- Un peu, oui. Depuis l'année passée, en fait. Et vous? Qu'est-ce qui vous amène à North Bay?
- Nous sommes en vacances, je te rappellerai, garçon. 
- Tu entres dans l'armée? s'écrie maman. Elle fixait la devanture du centre de recrutement depuis quelques longues secondes.
- Oui, "mom" (Le mot "mom" étant un diminutif du mot "mommy" qui lui-même est un diminutif du mot "mother" qui lui, signifie "mère". On prononce "mome").
- Mais tu n'as que dix-sept ans, Yves!
- Et si on signe pour lui, il pourra entrer... 
Papa avait toujours le dernier mot, façon de dire.
- Et je suppose que tous ces papiers sont à compléter, n'est-ce pas?
- Oui, maman. Malheureusement...
Chez-nous, tout ce qui concerne la paperasse, c'est ma mère qui s'en occupe. Que voulez-vous? Elle a eu la chance de recevoir une instruction classique, étant fille de boucher de village. 


- Et toi, garçon? Tu as des projets devant toi?
Il faisait nettement allusion aux tâches qu'il m'avait données à faire, à la maison.

- Tu as des projets, Yves? demande maman.
- Oui, j'ai des grands projets à réaliser, m'man, Je dois corder le bois pour l'hiver prochain. Vrai, p'pa?

- Oui, oui. Tu t'en retourne à Rouyn, j'imagine?
- "Drette-là, papa! (régionalisme : Tout de suite!) Vous autres, vous avez du monde à rencontrer?
- Oui, on a rendez-vous avec Codère et sa femme. Mon ancien "partner", tu te souviens de lui?
- Ton ami électricien, le gars avec qui tu t'étais mis en affaires, quand j'étais bébé? Oui, je me souviens de lui... Toujours à me traiter de morveux.
- En plein dans le mille! rétorque papa. Vas, mon gars, vas! Je te retiens pas... T'as de l'ouvrage à la maison.
- Tu n'étais obligé de me le rappeler, tu sais...

- Je peux avoir mon bec?" fait maman, en s'avançant un peu, le temps de présenter la joue.

Je lui place un beau gros bec au centre de la joue et elle s'éloigne, satisfaite. Tous deux se retournent et me laisse, peinard, pantois, encore surpris par l'apparition soudaine des parents. Ravi aussi d'avoir les papiers en main et de leur avoir appris la nouvelle....


En fin de compte, je me suis retrouvé à la maison au bout de quelques levers de pouce (i.e j'ai fait le trajet North Bay - Rouyn en deux étapes. Les joies de l'auto-stop... ).  La corvée de bois de chauffage enfin terminée, maman ayant complété puis envoyé à la poste la paperasse requise par l'armée, il ne me restait plus qu'à pousser la chaloupe sur le lac, mettre mes lignes à l'eau et attendre l'arrivée d'une réponse officielle de la part des autorités militaires.

Fin août, je recevais enfin des nouvelles. La base militaire de Saint-Jean-Sur-Richelieu m'ouvrait ses portes à la mi-septembre. On m'invitait enfin à me présenter sur la base! Merci mon Dieu! J'ai 17 ans et je me dirige tout droit vers l'aventure! Que vouloir de plus? Sortir de l'Abitibi, c'était déjà bien. Voir le monde, c'était le rêve qui se réalisait!

C'est donc la trente septième semaine de l'année 1974 que j'ai mis les pieds à Saint-Jean. La base se situe à quarante minutes de la ville de Montréal, de l'autre côté du fleuve Saint-Laurent.  Je suis arrivé un dimanche soir, après un long voyage de huit heures trente en autocar. 

Je suis accueilli par des policiers militaire, à la barrière principale. On me dirige vers un bureau aux allures spartiates : Il n'y a dans la pièce que deux chaises et une table. L'officier me dit que je peux m'asseoir, ce à quoi j’obtempère. 

Un soldat entre et s'assoit devant moi. Il ouvre une chemise, dans laquelle vraisemblablement se trouve mon dossier. Plusieurs minutes suivent dans un silence absolu; je commence sérieusement à me poser des questions lorsque le caporal daigne enfin poser le regard sur ma personne et m'adresser la parole. 

"Bienvenue à la base, monsieur Beaulieu. Je ne serai pas long; quelques mots, pas plus. Dans quelques minutes, un soldat va se présenter. Il va vous demander de le suivre jusqu'à votre cubicule, dans les baraquements réservés aux recrues."  Je lève le sourcil droit. Il précise : "Votre aire de repos. 
- Monsieur Beaulieu. Ce soir, vous ferez ce que vous voudrez. Libre à vous de boire à vous saouler, si vous en avez le goût. La bière ne coûte que trente sous. Un fort en coûte cinquante. Mais demain matin à huit heures tapante, vous devrez être debout à côté de votre lit, que vous aurez pris bien soin de faire, avant la venue du sergent. C'est un 22. Une queue plate, si vous voulez. Et croyez-moi, il n'entend pas à rire. Vous comprenez ce que je vous dis?
- Oui sergent.
- Caporal.
- Oui, caporal. Je ne comprend rien à son charabia, au sujet de ce chiffre 22, cette queue plate, mais je sais déjà que je me coucherai tôt... 
- Eh bien, monsieur Beaulieu, une fois encore : Bienvenue! Je vous souhaite bonne chance.
Il n'a pas fini sa phrase qu'on cogne à la porte.
- Entrez!
- Je suis ici pour Yves Beaulieu, caporal. Vous permettez?"
Le caporal hoche de la tête tandis que mon valet se tourne vers moi et m'indique la porte. J’obtempère. J'ai ce vague sentiment que je vais souvent obtempérer, ici. Le soldat me dépasse et rejoint une étagère où se trouve de la literie. Quelques draps blanc, une couverture grise ainsi qu'une taie et un oreiller se retrouvent sur mes bras le temps de le dire. Déjà, le soldat s'éloigne. Je dois me dépêcher pour le rejoindre. "Et ma valise?
- Tu la reprendra tout à l'heure. Je suis pressé, suis moi!"
Je jette un coup d’œil sur l'environnement immédiat et je découvre un mât surmonté d'un drapeau du Canada juste à côté de la guérite des policiers. J'apprendrai plus tard qu'on dit "M.P." pour les distinguer (Miltiray Police). Le drapeau sera mon point de repère. Il n'est pas question que je laisse ma valise à ces messieurs. C'est ma propriété et j'y tiens. Je fini par arriver à la hauteur du jeune soldat. Il force l'allure.
"Est-qu'il y a le feu? Pourquoi aller aussi vite?
- Des questions, des questions, ils posent tous des questions! dit-il, apparemment exacerbé. Puis subitement, il s'arrête, se tourne vers moi et me dit : Écoutes-moi bien, le "flo" (le "jeune" : régionalisme, dialecte local, joual, argot.). Ce soir, j'ai rendez-vous avec une belle pitoune. Je veux pas manquer mon rendez-vous, tu comprends?
- Je comprend, je comprend. Tu es soldat? dis-je, pour changer le sujet de la discussion. 
- Non, je suis un "pouf". Comme toi : Juste un "pouf".
Il me jette un regard en coin.
- Oui, un pouf! Il y a les poufs et les King poufs. Nous, on est des poufs!
- Des King poufs? Je me demande encore dans quel monde de fous j'ai atterri quand il m'empoigne par le collet du cou et me dit, nez contre nez :
- Un King pouf, c'est un gars qui a fait tout le cours de recrue, Beaulieu. Ils ont droit au respect, ils ont traversés toutes les épreuves et maintenant ils sont King Poufs. Quand on parle King pouf, on parle une à deux semaines de la graduation. Toi t'es rien à côté, lui c'est un soldat à cette heure! Kapiche? 
- Oui, oui. Kapiche, kapiche. Lâches-moi, je suis pas du coton...
Le pouf m'a lâché, comme surpris par ma demande.
- Chez nous, un pouf c'est un meuble pour s'étendre les jambes quand t'es assis dans un fauteuil.
- Chez nous aussi, imagines-toi donc! Bon. Voilà les baraques. Viens que je te présente aux autres poufs!








Dans un autre jet : Ottawa, Borden, Toronto.

vendredi 6 septembre 2013

Je suis....

énervé...

Il n'y a pas moyen d'être seul. Les gens visitent sans bon sens! Quand ce n'est pas la sœur et le beau-frère, l'aîné ou le cadet des fils de ma conjointe, c'est le chien du voisin qui se retrouve dans la cour arrière et jappe, jappe, jappe à qui mieux mieux car ma chienne se met de la partie et rehausse le concours en délivrant un de ses fameux hurlements - elle est de l'espèce des Husquies, ces chiens loups qui habitent le grand nord, domestiqués depuis des siècles par les Inuits -  et monsieur essaie de toutes ses forces de  la surpasser les soirs de pleine lune.

Ce vendredi soir, à vingt deux heures douze minutes, dîner à l'heure des Anglais? 

La faim me tenaille mais la visite est en haut au deuxième à discuter de tout et de rien à la fois, histoire de passer le temps. Je ne me mêle pas à la réunion de peur de la voir s'allonger à mes dépens... Je devrais oublié ce repas, m'étendre sur le divan et regarder le plafond. En fait, c'est ce que je vais faire et tout de suite!  Je vais rêvé à ma sœur la solitude...


Pour changer de sujet, afin de mieux me lire, on peut tout simplement enfoncer les touches "Ctrl" et " + " du clavier. Le texte s'agrandit. Pour diminuer le texte, il suffit d'appuyer sur les touches "Ctrl" et " - " du clavier (que ce soit la rangée au-dessus des lettres ou les signes d'addition et de soustraction situés à la section numérique de votre clavier). Sur l'Internet, c'est pratique à savoir... Un petit truc signé PCPat!