J'ai découragé mes
frères de me suivre lorsque je me rend en forêt. Comment aie-je
fait cela? Avec grâce, dois-je dire... J'ai tout simplement utilisé des
patates! Daniel, Richard et en enfin, Claude. Ils ont tous eu de ma
médecine. Je les savais derrière moi, cachés dans les buissons, derrière
un tronc d'arbre, qu'il soit debout ou couché. Ils me guettaient et se
pensaient invisibles. Mais Œil de Lynx toujours, les épiait. J'étais
dans mon domaine et en ce royaume pas une fissure ne m'était
inconnue. Je connaissais tous les arbres, chaque repli de terre et la
faune le reconnaissait volontiers. J'étais un des leurs, un fauve parmi
les fauves et en moi coulait un sang amérindien. Le Sioux n'a pas peur
des fripous! Ça se dit "fripou"? En tous les cas, c'était au tour de
Claude aujourd'hui...
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Il se prenait aussi pour un indien, c'était pas drôle à voir. Je jouais le jeu de l'imbécile qui ne sait pas qu'il est suivi et je gambadais dans les prés au gré des chants d'oiseaux.
Et le temps d'une flèche à sa cible, je l'ai surpris en train de se gratter le fond du derrière, pardonnez l'expression. Imaginez ses yeux, son regard ébahi quand il se rend compte que son grand frère, une fois encore, l'a débusqué! Je peux lire ses pensées : "Il m'a eu, le rat, il m'a eu!
Je me suis remis en route, un havre-sac en bandoulière, heureux d'avoir un peu de compagnie.
Ce n'est que lorsque le soleil fut à l'apogée de sa course, au zénith, que je me suis enfin arrêté; enfin, que nous nous sommes arrêtés... Claude me percuta de plein fouet, faute de reconnaître la manœuvre subite du grand frère. "Ouch" - pronnoncer "How-tche" - s'écria le petit frère, surpris à n'en pas douter. Et d'ajouter : "Mais qu'est-ce que tu fous? Tu aurais pu avertir, au moins!
- S'cuse-moi... J'ai pensé qu'on pourrait s'arrêter ici pour manger un petit peu. Ça te dit de bouffer? Et Claude de répondre :
- J'ai pas écrasé le lunch, au moins?
- Pas du tout.
- Pas du tout?
- Ouais : Pas du tout."
Je me suis mis à farfouiller dans mon havre-sac, histoire de dénicher le briquet.
- Tu veux bien aller nous chercher du petit branchage sec? Je dois préparer le feu et je ne trouve pas mon feu...
- Oui, oui. Pas de problème, j'y vais! fit Claude. Il s'éloigna de quelques pas puis se retourna vivement. Tu peux me dire ce que tu nous prépare?
- Des patates.
- Des quoi?
- Des patates, je te dis.
- Et bien, merde alors! Des patates!"
Claude me regardait, les yeux plein d'appréhension. À le voir, on sentait qu'il était écœuré d'apprendre cette vérité. Son regard se porta sur moi, accusateur.
"Ben quoi? J'aime ça des patates moi! J'ai pas le droit d'aimer les patates? Toi, tu aimes bien le macaroni au fromage et tomates. C'est pareil pour moi mais avec les patates!
- Yves, Yves. Il va falloir que tu te fasses soigner, ça n'a vraiment pas de bon sens!
- Tu espérais quoi au juste, un bifteck du roi peut-être? Ici, en plein bois, au beau milieu de la forêt? You-hou, réveilles! Ici la Terre. Il y a quelqu'un?
- Des patates... j'aurai tout vu.
- T'as pas tout vu...
- Quoi?
- Je trouve pas le briquet. Va falloir manger cru, mon frère.
- Merde.
- Tu peux le redire...
Nous avons préféré ne pas manger de patates crues ce jour-là.
* * *
Ref.: en Latin. Notre-Dame-de- Grâce. Bissonnette et nos lièvres. Trottoirs de bois. 106 absences.
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Il se prenait aussi pour un indien, c'était pas drôle à voir. Je jouais le jeu de l'imbécile qui ne sait pas qu'il est suivi et je gambadais dans les prés au gré des chants d'oiseaux.
Et le temps d'une flèche à sa cible, je l'ai surpris en train de se gratter le fond du derrière, pardonnez l'expression. Imaginez ses yeux, son regard ébahi quand il se rend compte que son grand frère, une fois encore, l'a débusqué! Je peux lire ses pensées : "Il m'a eu, le rat, il m'a eu!
Je me suis remis en route, un havre-sac en bandoulière, heureux d'avoir un peu de compagnie.
Ce n'est que lorsque le soleil fut à l'apogée de sa course, au zénith, que je me suis enfin arrêté; enfin, que nous nous sommes arrêtés... Claude me percuta de plein fouet, faute de reconnaître la manœuvre subite du grand frère. "Ouch" - pronnoncer "How-tche" - s'écria le petit frère, surpris à n'en pas douter. Et d'ajouter : "Mais qu'est-ce que tu fous? Tu aurais pu avertir, au moins!
- S'cuse-moi... J'ai pensé qu'on pourrait s'arrêter ici pour manger un petit peu. Ça te dit de bouffer? Et Claude de répondre :
- J'ai pas écrasé le lunch, au moins?
- Pas du tout.
- Pas du tout?
- Ouais : Pas du tout."
Je me suis mis à farfouiller dans mon havre-sac, histoire de dénicher le briquet.
- Tu veux bien aller nous chercher du petit branchage sec? Je dois préparer le feu et je ne trouve pas mon feu...
- Oui, oui. Pas de problème, j'y vais! fit Claude. Il s'éloigna de quelques pas puis se retourna vivement. Tu peux me dire ce que tu nous prépare?
- Des patates.
- Des quoi?
- Des patates, je te dis.
- Et bien, merde alors! Des patates!"
Claude me regardait, les yeux plein d'appréhension. À le voir, on sentait qu'il était écœuré d'apprendre cette vérité. Son regard se porta sur moi, accusateur.
"Ben quoi? J'aime ça des patates moi! J'ai pas le droit d'aimer les patates? Toi, tu aimes bien le macaroni au fromage et tomates. C'est pareil pour moi mais avec les patates!
- Yves, Yves. Il va falloir que tu te fasses soigner, ça n'a vraiment pas de bon sens!
- Tu espérais quoi au juste, un bifteck du roi peut-être? Ici, en plein bois, au beau milieu de la forêt? You-hou, réveilles! Ici la Terre. Il y a quelqu'un?
- Des patates... j'aurai tout vu.
- T'as pas tout vu...
- Quoi?
- Je trouve pas le briquet. Va falloir manger cru, mon frère.
- Merde.
- Tu peux le redire...
Nous avons préféré ne pas manger de patates crues ce jour-là.
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Ref.: en Latin. Notre-Dame-de- Grâce. Bissonnette et nos lièvres. Trottoirs de bois. 106 absences.
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